Limonov
d'Emmanuel Carrère
Biographie romancée d’une personne que je dirais peu recommandable.
Un type mal dans sa peau, mal dans sa société, surtout mal partout, qui voulait sortir de sa condition et devenir célèbre, ce qui est louable, sauf que… le talent n’était pas obligatoirement là et qu’il a tout tenté et par tous les moyens de s’en sortir, au final : un arriviste, personnage louche et pas obligatoirement bien agréable même si sa vie a été particulièrement mouvementée.
Il a surtout eu du succès en France après 1982 avec un bouquin au titre juste à peine racoleur : Le poète russe préfère les grands nègres ! Récit trash de sa vie à son arrivée à New-York après avoir été expulsé d’URSS. Il s’est aussi fait connaître dans les cercles littéraires français en écrivant dans des journaux.
Mais le plus important c’est le bouquin d’Emmanuel Carrère : Limonov
Je l’ai lu par petites bouffées en toute fin de soirée.
Que je m’explique : le début de mon temps de lecture se perd dans un tas de magazines et autres écrits d’infos ou des essais. Et puis, plus je m’informe et moins je comprends le monde d’où le besoin de m’informer un peu plus, je tourne en rond voire en spirale et la nuit s’avance… Ce qui fait qu’au bout d’un moment, il faut que je largue les amarres… un peu, beaucoup, passionnément, le Limonov de Carrère a été ce qu’il me fallait pour partir, mais pas trop vite, pas trop loin, pas tout d’un coup. Il me fallait en garder pour la nuit suivante, rester dans le fil, dans l’atmosphère du roman.
Parce que très vite, pour moi, j’ai oublié le type Limonov pour suivre Emmanuel Carrère qui agence son récit en se mettant en scène. Il parle de lui, de sa rencontre avec Limonov dans les années 80, de ses voyages en Russie, de ses antécédents russophones avec sa mère : Hélène Carrère d’Encausse, c’est pas rien tout ça, du vrai, du concret, ce qui me renvoyait à mes lectures de début de soirée. Que son personnage soit réel ou pas, je m’en foutais, et au contraire ! que le héros d’un livre pareil existe me gâche presque mon plaisir !
J’ai déjà lu quelques histoires comme ça, vraies biographies romancées ou vrais romans avec fausse biographie qui m’ont mis dans le même état, les mêmes doutes. Des livres où on se demande où est le vrai ? où est le faux ?
Quand Carrère évoque la vie de Limonov en URSS, ou à New-York, quand il côtoie la jet-set internationale, j’ai tout de suite eu en tête Danseur de Colum McCann à propos de Rudolf Noureev, bio tout ce qu’il y a de plus romancée mais avec quel talent (à lire à mon avis).
Pour séparer le vrai du faux, maintenant c’est facile… un coup de google et hop on sait !
J’ai fait ça avec un « petit polar de rien du tout » d’Arturo Pérez-Reverte : Le Tableau du maître flamand. À la fin du livre, j’ai vite cherché si le peintre qu’il évoquait existait ! Résultat : bien sûr que non, je m’étais fait avoir ! Ce « petit » polar est un bon, très bon polar à lire !
Un autre bouquin qui m’a laissé dans le même état de questionnement : L’Enchanteur et nous, de François-Régis Bastide. Même structure que Limonov avec l’auteur qui se met en scène dans le récit : F.-R. Bastide, vieux baroudeur de la radio, animateur du « Masque et la Plume » sur France-Inter était très connu, il venait aussi d’être nommé ambassadeur au Danemark. Là, il se retrouvait entraîné par un ami, Nils, sur une île suédoise où séjournaient 3 femmes, l’épouse actuelle de Nils, une ex., une invitée, un frère adoptif et les mystères de l’île. Tout ça ressemblant diablement aux films d’Ingmar Bergman où m’emmenaient ma cinéphile habituelle.
Le souci c’est que j’avais lu ce bouquin peu après sa sortie en 1981 et que je viens juste de vérifier sur google. Maintenant je sais que j’avais été encore une fois bien baladé. Ma naïveté serait-elle restée intacte après tout ce temps ?
Bref, tout ça pour dire que j’ai aimé le Limonov d’Emmanuel Carrère sans savoir si c’est pour la qualité de l’écriture, la qualité de la forme ou le fait d’avoir ouvert ma boîte à souvenirs. Mais je vous le recommande fortement.
Pour une vraie critique !
Pour écouter et voir Limonov.
Serges
Commentaires
J'aurais dû commencer par dire que le papier du Boss était bien mijoté, lié à la sauce Monsieur Serges, pédagogiquement parfait pour une invitation aux voyages
"Toutes nos envies" n'a pas grand-chose à voir avec le livre (pas roman..) de Carrère et c'était tant mieux à première vue ; cela paraissait plutôt une bonne idée que de séparer l'histoire des juges du reste et de transformer ces personnages vrais en vrais personnages de fiction. Le problème c'est que cela se transforme en mélo peu crédible, les "puristes" en conviendront ! Dommage que l'histoire de la lutte contre le surendettement, passionnante chez Carrère, se transforme en trois clics de souris et une formule attrapée dans une conversation au hasard, et je ne parle même pas du personnage de la pauvre maman surendettée, ce serait trop facile..
Reste Lindon, absolument impeccable, et quelque chose d'impalpable qui se passe entre son personnage et celui de Marie Gillain. Finalement, le film vaut davantage par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il énonce.
Ce roman cité par Hellmut vient d'être adapté au ciné avec "Toutes nos envies" de Philippe Lioret , avec Vincent Lindon , Marie Gillain et Amandine Dewasmes.
Avis partagés sur ce film, à lire certaines puristes d'Art_Home.Eternel débat entre livre et adaptation à l'écran. Lioret, égal à lui même, écrit un rôle sur mesure pour Lindon , après Welcome. Au delà du problème du surendettement, il évoque celui du temps, surtout quand il n'en reste plus.
du meme auteur : "d'autres vies que la mienne". Récit humain assez bouleversant et passionante étude de la justice en france