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Titre du blog : Arts scéniques et vieilles dentelles
Auteur : Artscenik
Date de création : 03-10-2010
 
posté le 05-12-2010 à 10:01:24

Himmler : le monstre aux lunettes d'acier

Himmler : le monstre aux lunettes d'acier

de Peter Longerich

 

 

Himmler

 

 

Dans une somme monumentale, Peter Longerich retrace la destinée d'un des pires criminels de l'histoire.
Né en 1900, Heinrich Himmler est mort le 23 mai 1945 en avalant une capsule de cyanure que des soldats anglais essayèrent de lui arracher après l'avoir capturé, alors qu'il tentait de fuir.
Ainsi se termina la destinée de celui qui fut l'un des hommes clés du IIIe Reich.
Chef de la SS, devenu le patron tout-puissant de la police allemande, fondateur du camp de Dachau, organisateur du système concentrationnaire nazi et des déportations de masse, Himmler est un des principaux instigateurs de la Solution finale.
Sans son génie bureaucratique malfaisant, le nazisme n'aurait sans doute pu accomplir des destructions humaines de cette ampleur.
Pourtant, un mystère demeure, que l'historien Peter Longerich exprime en ces termes au début de cette biographie de plus de 900 pages :
"Comment un personnage aussi falot a-t-il pu accéder à un niveau de pouvoir si exceptionnel, comment le fils d'une bonne famille de fonctionnaires catholiques bavarois a-t-il pu devenir l'organisateur d'un système génocidaire s'étendant à toute l'Europe ?"

 

Un personnage à part

Directeur du Centre de recherche sur l'Holocauste et l'histoire du xxe siècle à l'université de Londres, Longerich, qui a récemment consacré une biographie à Goebbels, a mené une enquête de plusieurs années qui l'a amené à fouiller le passé d'Himmler, notamment ses journaux intimes et sa correspondance.
La thèse qu'il défend peut se résumer en quelques mots : le petit-bourgeois ivre de rêves guerriers qu'était Himmler a trouvé dans la démesure nazie de quoi compenser un sentiment de fragilité intime en assouvissant une inextinguible volonté de pouvoir.
Plutôt chétif physiquement, Himmler, qui n'a jamais connu le feu, ni en 1914 ni en 1940, est un personnage à part dans la galaxie nazie.
Réservé avec les femmes, obsédé par une homosexualité qu'il traque à la tête de sa SS alors même qu'il a été un disciple de Röhm, chef des SA et homosexuel notoire, l'homme est sans le moindre charisme.
Lui qui est obnubilé par une race aryenne supposée blonde et athlétique en est comme le portrait inversé. La contradiction entre l'ambition martiale et élitiste d'Himmler et l'apparente banalité du personnage était encore accentuée par le nouvel uniforme noir si marquant.
Himmler avait beau essayer de rehausser son aspect avec une coupe de cheveux très courte à la militaire, son visage poupin et blafard avec son menton fuyant et ses lunettes dissimulant un regard vide et clignotant, était impossible à oublier… écrit Longerich, qui cite le témoignage d'un fonctionnaire nazi qui, en 1929, le décrit comme un être gauche dont les déclarations étaient « un mélange étonnant de grandiloquence martiale, de réflexions de comptoir et de prophéties enflammées dignes d'un prédicateur de secte ».

Une responsabilité écrasante


Au fil des pages, Longerich nous introduit dans la fantasmagorie de celui qui cherche dans le culte des ancêtres germaniques une religion de substitution au christianisme, devenu sa cible principale, avec les Juifs et les communistes.
Passionné d'occultisme, Himmler va projeter ses marottes sur ses régiments SS, dont il veut faire les chevaliers d'un nouvel ordre qui redessine la carte de l'Europe à l'aune d'une Allemagne « régénérée ». « La succession des victoires remportées par la Wehrmacht depuis 1939 l'incita à réduire à quelques années l'avènement de son grand empire germanique. En 1942, il put croire que le moment était venu pour sa SS et lui de concrétiser ce qui n'avait été que des représentations utopiques », écrit Longerich, qui termine son livre par une assertion terrifiante : « Le IIIe Reich ne s'est pas effondré de l'intérieur, mais sous les coups des armées alliées. Cette prolongation de son existence, qui coûta la vie à des millions de victimes, doit essentiellement être attribuée à Himmler. »


Himmler de Peter Longerich,

traduit de l'allemand par Raymond Clarinard,

Éditions Héloïse d'Ormesson, 917 p., 30 €.

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