Aube nouvelle
Elle était partie dans l’entier de ses songes, laissant son corps à la vie se reposer, n’opposant aucune résistance. Elle occupait l’espace dans sa brume nocturne et aimait cette forme d’abandon total qui chaque nuit, lorsqu’elle plongeait dans le sommeil, lui procurait cette joie de vie rassurante, par sa simple forme répétitive. Elle prenait conscience que ce repos lui donnerait de nouvelles images et des couleurs neuves dès sa première pensée du matin à venir. Elle aimait se dire qu’après le sommeil, quand elle aurait repris ses esprits, son corps lui signifierait que vivante, à ce point, pour un nouveau jour elle était ! Elle se demandait si ses pairs avaient ce genre de pensée. Sourire ! Cette forme de vie purement organique, fonctionnelle, qui dépassait sa propre existence avait pour effet de la chavirer toute entière. Quel précieux cadeau que la vie !
Quand lentement elle sortit de ses songes et ramena à elle sa première pensée consciente, il faisait nuit encore. Elle avait dormi tôt cette nuit-là, se délectant par avance de ce réveil d’avant l’heure qui lui offrirait le temps de ce moment à venir !
Alors, laissant aller son corps à la nouvelle vie de ce jour, lentement, elle ouvrit ses sens, un à un comme on délie un corps rompu après une lutte perdue d’avance ! Elle entreprit d’abord de sentir l’espace que ce corps épousait, tentant de distinguer ce qui faisait appui et ce qui flottait légèrement. Elle ne bougeait rien d’elle mais avait simplement conscience de son propre réveil. Etait-ce la pensée à ce moment-là qui guidait ses sens ou était-ce simplement son corps qui ramenait la conscience à son esprit ? Elle se sourit à elle-même en se disant que peut-être ailleurs, dans un autre espace, un autre qu’elle, Lui, aurait à cet instant la même pensée qu’elle.
De se sentir ainsi s’éveiller lui procura le besoin de laisser sur elle courir sa main. Cet effleurement dans le sombre du jour encore balbutiant, la fit frissonner toute entière. Elle aimait se procurer cette sensation, se disant la pensée rieuse, que peut-être en d’autres temps, on l’aurait châtiée pour tant d’audace. Elle remerciait en silence ceux qui, leur vie avaient donnée, pour qu’aujourd’hui une telle liberté elle puisse s’offrir !
Elle se caressa doucement, laissant courir ses doigts comme il aurait fait, lui, l’autre, qui à cet instant avait la même pensée qu’elle, ailleurs…
Elle s’imaginait le laisser faire, donner libre cours à son envie, consentant son corps entier à ce « lui d’ailleurs », l’esprit libre et sa source vive.
Quand longuement elle avait lissé toutes les parties d’elle sans en mesurer les imperfections, gommant ainsi toute idée de vie ordinaire, le plaisir envahit son creux. Elle retira un instant ses mains, savourant cet avant délicieux, pour en garder plus longuement la sensation encore.
Elle songea de nouveau que ce jour serait comme le premier de sa vie, l’origine, le point de départ d’une nouvelle trace et ça la combla ! Sa pensée jouissait et son corps se retenait encore !
Elle voulait lui offrir l’insaisissable de l’instant, pur et grandiose ! Elle avait cette seule idée présente. Elle voulait sa plus grande jouissance ! Comme si elle avait été sa première, son unique !
Et puis, vagabondant ainsi, elle regardait le jour poindre, entendit distinctement le premier chant de cet oiseau au-dehors, se leva pour ouvrir sa fenêtre et écouter plus distinctement le clapotis du ruisseau dans le silence pur de l’instant.
L’air vif de ce jour de printemps la saisit et fit tendre son corps tout entier. Le délice de ce matin clair la ravissait ! Elle eut alors le besoin impérieux de consentir à son propre plaisir et se recoucha sans hâte.
Allongée ainsi, le corps nu et encore chaud de la nuit mêlé à l’air vif de cette aube naissante, elle chercha du bout des doigts son intimité humide du plaisir d’avant.
Elle ferma les yeux et eut à la seconde où ses paupières se fermèrent, l’image de Lui, cet « autre d’ailleurs », son image toute entière. Elle voyait clairement son sourire généreux, les plis de contours de ses yeux, comme de vrais rayons de soleil dont chaque trait avait une histoire. Du bout des doigts, les yeux clos, elle lissa chacune de ces traces de vie comme pour le remercier de lui en faire silencieusement la confidence.
Et puis, descendant lentement les mains ouvertes, elle enveloppa son visage, parcourut sa bouche entrouverte, prit son souffle sous ses doigts. Cette pensée lui procura un plaisir vif et immédiat. Elle le recevait doucement dans son entier, presque sans mouvement, sentant distinctement chaque partie de lui se fondre en elle.
Plus vite qu’elle ne l’aurait voulu, elle jouit de sa propre main perdue dans son intimité généreuse, tant le plaisir qu’il lui donna fut saisissant. Ainsi sa source vive se fit abondante et par saccades de plaisir, elle coula de lui. Quand son cri fendit le silence, elle se dit que, si la vie ne devait jamais les réunir, parce que leurs chemins si distincts étaient, personne ne pourrait jamais s’immiscer dans cet espace vierge qu’ils s’étaient donnés. Souriante et muette, elle le remercia pour ce généreux instant, où, seuls et lointains, ils ne faisaient qu’un, lui fondu, elle confondue, dans le délice de ce jour à présent naissant.
Dans ce « parfaitement silencieux », la clarté se faisait peu à peu et les yeux clos encore, pleine de cette fête magnifique, elle se collait à lui et remercia la vie encore de tant de joie, cette joie immense à l’idée de sa seule présence à l’intérieur d’elle !
Elle exultante
Zoe-Vie
Commentaires
L'aube scène?
joli recit ,et superbes toiles pour encadrer la scene
je reviendrais te lire
amicalement
.............AN................